Par Morgan Le Mat, le .
À certains moments je m'égare et je perds la sensation du second corps. Il arrive alors qu'il s'impose à moi, comme pour me dire : Eh ! Je suis là. Surprise agréable, comme retrouver une vieille amie. Ça part des pieds, ça remonte au périnée ; une arche se forme, on pourrait presque s'y asseoir. L'échine se remplit, les mains retrouvent leur texture. Au centre du crâne le qi frappe à la porte.
Alors je me retrouve et je me demande : Comment ai-je pu être aussi négligent ? Ce n'est pas grave. L'exercice consiste à remarquer ce genre de choses. « Ne pensez pas, écoutez le corps ! » Quel conseil formidable. Ce maître ne traîte pas du qi au sens où je le traîte ici, mais peu importe il a raison. En a-t-il connaissance ? Un homme comme lui… ce serait vertigineux.
C'est dans le quotidien banal que j'apprécie le plus la présence du second corps. Quand dans la marche, chaque pas est un souffle. Quand, le bassin mobile et relâché, la jambe avance sans substance et se pose : woosh ! Les mains engagées mais souples maintiennent la charge et la régule. La plante des pieds, toute entière connectée à la paume, est un coussin plongé dans la Terre.
Et « quand le mouvement s'arrête, l'énergie continue. » Alors se sentir traversé par son propre ectoplasme, qui continue d'avancer avant de revenir à sa place... Oups ! Colocalisé avec le corps, mais distinct de lui… et mobile vis-à-vis même du corps.
Me reviennent alors les exercices internes, le neigong, et ses injonctions paradoxales. Bouger dans un sens, mais sentir le mouvement opposé. Ne pas bouger, mais sentir le mouvement. Le relâchement, alors, d'être une condition pour la sensibilité. Le distingo substanciel–insubstanciel : un produit de contraste.
Embrasser le corps subtil, se sentir bouger en travers de soi.